Délégation académique à l'éducation aux médias Bienvenue sur le site du CLEMI de Lille
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Produire des émissions de radio en ULIS

Cet article a été initialement publié sur le site des professeurs-documentalistes de l’académie de Lille, dans le cadre des TraAM (Travaux académiques mutualisés) sur le thème de l’intelligence collective. (Ici)

Blandine Tardieu, professeure documentaliste au collège République de Calais partage son fonctionnement pour la réalisation d’émissions de webradio avec ses élèves en ULIS.

Contexte : chaque année, Hélène Limat, coordonnatrice de l’ULIS du collège République à Calais, met en œuvre un projet sur l’année scolaire avec les élèves du dispositif, dont la spécificité consiste à présenter des troubles des fonctions cognitives. De manière régulière et à cette occasion, s’inscrit un travail collaboratif avec la professeure documentaliste, Blandine Tardieu, également référente culture de l’établissement.

Lors de l’année scolaire 2017-2018, les deux enseignantes s’étaient retrouvées sur l’envie commune de mener un projet de webradio. Le Département du Pas-de-Calais a proposé de participer à l’action WR62, nous avons alors répondu à l’appel à projets. La radio des collégiens du Pas-de-Calais (https://colleges.ent62.fr/section/wr62-la-webradio-des-collegiens/), toutes deux remplirent conjointement le formulaire de candidature. Ainsi, à la rentrée suivante, le collège s’est vu doté d’un kit d’enregistrement mobile comportant un zoom en prêt et la professeure documentaliste a suivi une formation pour l’usage du matériel, la création de capsules audios et l’explication du rétroplanning à suivre durant l’année.

RCR. La Radio du bord du mer, en ligne à cette adresse :  https://cdi0622431f.wixsite.com/crlaradioduborddemer, naissait.

Lors de l’année scolaire 2022-2023, le collège s’est vu financer par le département du Pas-de-Calais de manière définitive le kit mobile d’enregistrement mais aussi un studio radio comportant entre autres, une Roadcaster et des micros. La coordonnatrice d’ULIS ayant suivi la formation accompagnant l’arrivée de ce matériel, le désir de développer la production radiophonique pour travailler la prise de parole et l’aisance orale avec ses élèves s’est naturellement manifestée.

Organisation : ce projet se matérialise à raison de deux heures quasi hebdomadaires le jeudi après-midi. Quelques contraintes de calendrier n’ont pas permis d’avoir l’ensemble du groupe de 13 élèves sur ce temps, les trois élèves de 6e ne sont présentes en quinzaine qu’une heure sur les deux, un élève de 5e est présent en quinzaine, trois élèves de 3e ne sont là que ponctuellement. Donc, le groupe fonctionne autour d’un noyau de trois élèves de 4e présents sur l’intégralité du temps sur lequel viennent se greffer cinq autres élèves.

Problématique : comment réaliser des émissions de radio avec des élèves d’ULIS aux divers profils en faisant émerger l’intelligence collective ?

Objectifs :

  • Favoriser la prise de parole,
  • Être capable d’aller vers l’autre,
  • Être capable de planifier, organiser,
  • Découverte d’un média,
  • Travailler l’estime de soi.

Il s’agissait aussi de développer l’écoute, la prise d’initiatives, la prise de décision, la collaboration et la coopération : les élèves ont de la difficulté à faire seul, donc ils vont faire à plusieurs, mais ce n’est pas la somme des expertises mais bien une nouvelle expertise qui émerge de la collaboration.

Éléments pour comprendre la démarche de ce projet : dans ce dispositif ULIS, l’enseignante privilégie une forme de travail en classe coopérative avec notamment les plans de travail adaptés à chaque élève et le système des ceintures.

Pour favoriser l’intelligence collective, le choix du lieu de travail s’avère important aussi nous avons choisi L’Escale, le CDI du collège parce qu’il s’agit d’un espace intimiste et rassurant pour ces élèves peu enclins à ce qui vient changer leurs habitudes et sensibles au bruit. Ils ont l’habitude de le fréquenter : étant transportés en taxi, ils sont amenés au collège dès 8H alors que la coordonnatrice n’est présente qu’à partir de 9H et lorsqu’ils ont des temps de permanence où ils ne peuvent être accueillis en classe ULIS, ils y sont accueillis en toute bienveillance par la professeure documentaliste. De plus, le CDI s’apparente à la salle ULIS, en un peu plus spacieux, modulable pour travailler en petits groupes ou grands groupes. Les élèves peuvent gérer l’espace avec accès à 12 ordinateurs, en cela ces deux espaces sont différents de salles de classe plus traditionnelles.

Compétences :

Compétences EMI

Compétences CRCN

Modalités :

Pour insuffler de l’intelligence collective dans une équipe, trois étapes sont nécessaires, la première étant une acculturation aux outils qui permettent de mieux communiquer et travailler ensemble. Dans le cadre de ce projet, les élèves ont élaboré des cartes mentales, procédés très ancrés dans les pratiques pédagogiques des deux enseignantes, mais aussi des canvas, de grands tableaux permettant d’organiser la pensée et de travailler avec les autres. La seconde étape consiste en la collaboration, c’est-à-dire faire avec les autres, travailler avec eux. Pour cela, sont utilisés des outils numériques comme le Pad collaboratif de l’ENT NEO ou des outils liés à l’innovation fondés sur le design thinking. Ici, quelques éléments de ce dernier vont être choisis notamment la définition de rôles. La troisième étape vise la coopération, c’est-à-dire créer avec les autres, qui dépasse la simple somme des expertises des individus dans le groupe. Ces étapes permettent de créer de nouvelles solutions avec des personnes d’une équipe, dans notre cas, établir l’ensemble des éléments d’une émission de radio.

Déroulé :

Comme il s’agit d’un projet au long cours, les séances ne vont pas être présentées mais plutôt la démarche générale. Pour qu’il y ait intelligence collective, cinq leviers doivent être mis en œuvre, les 5R : le rôle, les règles, les rites, la reconnaissance et la routine.

Pour que nos élèves à besoins particuliers soient acteurs dans le projet, ils ont à chaque étape des rôles, qui ne sont pas forcément les mêmes à chaque fois. Ils peuvent évoluer en fonction des besoins et des envies, ce sont eux qui définissent les rôles de chacun à chaque séance de manière collective. Cette démarche permet le développement d’une forme de bienveillance car ils peuvent tous être amenés à travailler avec un autre élève avec qui ils n’ont pas l’habitude d’être mais ils participent tous à l’objectif final, la création de l’émission.

Lors des interviews par exemple, les élèves étaient placés en binômes avec l’un qui gère le casque et l’enregistreur mobile, et l’autre les questions ou lors de trinômes, le troisième partageait les questions avec le second. Dans un autre binôme, le preneur de son pouvait devenir intervieweur. Dans la phase de composition du contenu de l’émission où une carte mentale est établie avec les différents éléments, les élèves se positionnaient en binôme sur des rôles de concepteurs de questions. Les élèves les plus présents sur le projet ont endossé le rôle de monteur après l’enregistrement, les deux élèves de 4e ont initié le travail avec les interviews en ne conservant que les parties exploitables et en faisant des choix dans les réponses des interviewés avec Audacity. Pour ce travail de montage, les deux enseignantes avaient découpé les rushs en petits éléments : le jingle, des phrases d’accroche, des phrases d’introduction aux interviews, des phrases de liaison, des phrases d’interviewés répondant à des questions précises, le jingle, … Avec ce puzzle, en binôme ils les écoutaient et les assemblaient pour aboutir à l’émission complète, soit deux en parallèle. Deux enseignantes et une AESH revêtent le rôle de facilitateur.

Les élèves ont co-établi les règles que le groupe va suivre : l’écoute, permettre à chacun de s’exprimer, l’entraide, accepter de travailler avec n’importe lequel d’entre eux.

Les rites se définissent par un petit temps de réactivation en début d’heure de ce qui s’est produit la séance dernière, par exemple en début de projet ce fut le moment de remettre des étiquettes avec les éléments de l’émission de radio dans l’ordre pour se les rappeler. Puis dès que des éléments ont été enregistrés, le début de séance était consacré à l’écoute de ce d’autres avaient captés :  écoute des questions proposées pour une interview, l’écoute des réponses enregistrées lors de l’interview réelle…  Conférence de rédaction : ritualisation, permet la réactivation de ce qui a été fait la semaine précédente et ce qui doit être fait cette séance ce qui reste à faire, chacun doit être en mesure de se repositionner, de retrouver son rôle ou d’adopter un nouveau rôle si son précédent est terminé.

Chaque élève est individuellement reconnu par le groupe pour son apport au collectif et le fait de faire tourner les élèves sur différents rôles, ils perçoivent collectivement quel élève a le plus d’appétence pour la technique par exemple, ou pour donner du dynamisme à l’oral afin de mettre son binôme à l’aise, …  Groupe qui se connaît bien, ils sont reconnus par leur besoins spécifique et n’en souffrent pas par rapport au regard des autres, un groupe plaisant, difficile car de très grandes difficultés de compréhension, de concentration et une élève non lecteur et très faible scripteur. Intelligence collective facilitée par le fait que ces élèves sont associés au groupe ULIS et ne le vivent pas mal pour la majorité.

La routine est également importante dans l’équipe pour pouvoir créer une culture de groupe, avoir des outils qui permettent de savoir ce que tout le monde fait (cartes mentales) : qui fait quoi. Surtout la routine permet de savoir que la séance prochaine tout le monde aura les bonnes informations.

Différentes étapes du projet : la création d’une émission de radio décidée en feuilletons sur les métiers de la Cité de la dentelle sur une partie de l’année scolaire, puis une émission de radio sur les actualités de fin d’année au collège.

  • Atelier de pratique théâtrale sur le travail de la voix,
  • Étapes d’entraînement pour se présenter, poser des questions, jeux de rôle entre eux, puis auprès des personnes de l’administration et de la vie scolaire, habitués à être des cobayes,
  • Création du jingle,
  • Conception du contenu de l’émission avant visite du musée,
  • Création des questions,
  • Apprentissage du matériel,
  • Jour J : interviews en condition réelle,
  • Écoute et découpage en deux émissions,
  • Écriture des phrases entre les interviews, phrases de présentation du groupe, d’introduction des interviewés, d’enchaînement,
  • Enregistrement au studio,
  • Création de rushs découpés par les enseignantes, montage sous la forme d’un puzzle à reconstituer,
  • Écoute régulière par tous : conseils d’améliorations à apporter.

Analyse réflexive sur la séquence :

La production d’une émission de radio permet un vrai travail collectif, collaboratif, d’intelligence collective. Les enseignantes ont appris également des élèves au fil du projet.

Au cours de la première séance où les élèves définissaient à partir d’écoute d’extraits ce qui compose une émission de radio, l’une d’entre elles avait des difficultés avec le vocabulaire trop abstrait pour elle, elle a donc demandé à la coordonnatrice de l’ULIS d’avoir accès à un ordinateur et elle a demandé d’imprimer des images qui symboliseraient les notions abordées. La page d’images qu’elle a constituée a été imprimée en couleur pour chaque élève.

Par ce simple geste, elle a permis à tous de mieux mémoriser les éléments d’une émission et lors des séances suivantes quand, dans le rituel de début, nous leur demandions de les retrouver et de les mettre dans l’ordre à l’aide d’étiquettes aimantées, la majorité des élèves réussissaient alors que la mémorisation constitue l’un de leurs points faibles.

Tout au long de l’année, les facilitateurs adaptent notamment lors des enregistrements pour pallier les absences ponctuelles d’élèves ou la présence en quinzaine de l’un d’entre eux mais aussi par rapport aux problématiques personnelles des élèves : découpage des phrases pour plus de fluidité, répétition plusieurs fois des phrases avant puis lancement de l’enregistrement. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer une émission en direct mais nous en sommes très proches.